Le Muret, L’essence de l’adolescence – La Gronique d’Apo

Cover de la BD "Le Muret"

Avez-vous eu une adolescence compliquée ? Les questionnements existentiels, la confrontation à des problèmes familiaux, la découverte de substances récréatives, la découverte de son corps ou encore des rencontres à la fois fascinantes et perturbantes… Ce tableau, familier pour certains, ne résonne pas particulièrement avec mon expérience personnelle. Je me surprends souvent à qualifier mon enfance et mon adolescence de « banales ». Certes, j’ai été confronté à des difficultés et à des interrogations, mais j’ai eu la chance d’être bien entouré. Alors pourquoi choisir Le Muret pour cette première “Gronique” ?

Aujourd’hui, je vous parle de l’album Le Muret de Céline Fraipont et Pierre Bailly, publié chez Casterman. Un titre que j’ai découvert dans le cadre de mon envie d’élargir mes horizons en bande dessinée, étant à la base un lecteur presque exclusif de mangas.

Rosie, une adolescente au bord du gouffre

Le Muret suit Rosie, une adolescente de 13 ans, qui tente de se frayer un chemin dans un contexte familial chaotique. Sa mère a quitté le domicile familial pour suivre un amant, laissant Rosie seule avec un père constamment absent, absorbé par son travail. Livrée à elle-même, Rosie voit ses repères s’effriter. Même la présence de son amie d’enfance, qui était un soutien, se fait de plus en plus rare. C’est alors qu’elle plonge dans des échappatoires destructrices : l’alcool, la cigarette… autant de tentatives pour fuir une solitude étouffante et des angoisses grandissantes.

C’est sur ce fameux muret, symbole d’évasion et de réflexion, que Rosie fait la rencontre de Jo’. D’un regard adulte, Jo’ pourrait être perçu comme une mauvaise influence : il est rebelle, abîmé par la vie, et entouré d’un groupe d’amis marginaux. Pourtant, il se montre envers Rosie d’une bienveillance sincère. Il l’introduit à la musique, l’ouvre à de nouvelles relations et l’aide à sortir progressivement de l’isolement dans lequel elle s’était enfermée. Cette relation ambivalente, à la fois salvatrice et troublante, est au cœur de ce qui rend Le Muret si poignant.

Un style graphique au service de l’émotion

Ce qui frappe dès les premières pages, c’est le style graphique de Pierre Bailly. Le choix du noir et blanc, combiné à des traits gras, confère à l’ensemble une sobriété presque austère. Mais cette apparente simplicité est trompeuse : chaque case est chargée d’une profondeur émotionnelle qui reflète l’état psychologique de Rosie. Par exemple, les ombres lourdes et les compositions minimalistes amplifient le sentiment d’isolement et de vide qui hante l’héroïne. Certaines scènes, principalement celle montrant le quotidien , m’ont marqué par leur capacité à transmettre autant avec si peu

Une adolescence chaotique et universelle

Ce qui rend Le Muret si universel, c’est cette capacité des auteurs à nous replonger dans les tumultes de l’adolescence. Même si mon expérience personnelle est loin de celle de Rosie, je n’ai pu m’empêcher de me souvenir de ces moments de doute, d’évasion et de recherche de soi propres à cet âge. Les rencontres qui nous marquent, les errances qui nous forment, les failles qui nous fragilisent… tout cela est présent dans cet album. En moins de 200 pages, Fraipont et Bailly parviennent à capturer cette énergie chaotique et nécessaire qui fait de l’adolescence une étape à la fois douloureuse et fondatrice.

Pourquoi ce choix pour cette “Gronique” ?

Si j’ai choisi de vous parler de Le Muret, c’est parce que cette œuvre m’a laissé un souvenir précieux. Quand je repense à l’histoire de Rosie, je suis envahi par une multitude de souvenirs de ma propre adolescence, mélangés à ceux de l’héroïne. Cette évocation, si personnelle et pourtant si universelle, est ce qui fait la force de cet album. Le Muret n’est peut-être pas un “must-read” absolu, mais c’est une œuvre qui m’a fait ressentir quelque chose de profond : une nostalgie douce-amère pour une période aussi chaotique que nécessaire.

Alors, si vous êtes prêts à plonger dans ces brefs tourments et espoirs adolescents, je ne peux que vous conseiller de lui laisser une chance.

Extrait de la BD "Le Muret"

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Partager: